Réactions de la communauté internationale

A) Le point de vue strictement formel

1) Non reconnaissance de l'annexion. Conformément à la position de l'ONU, l'annexion indonésienne n'est reconnue de jure par aucun Etat, à l'exception de l'Australie. Les Etats Unis "acceptent" le fait accompli de l'annexion tout en reconnaissant qu'un "acte valide d'autodétermination" n'a pas eu lieu.

2) Résolutions. Un nombre considérable de résolutions dénonçant l'occupation de Timor-Est a été voté depuis l'invasion. On peut citer:

- Nations Unies: deux résolutions du Conseil de Sécurité (384 et 389 de 1975 et 1976), huit résolutions de l'Assemblée Générale (1975 à 1982), plusieurs résolutions de la Sous-Commission des Droits de l'Homme (notamment en 1982, 1983, 1984, 1987, 1989, 1990, 1992 et 1993); deux déclarations par consensus (1992 et 1994) et deux résolutions (1993 et 1997) de la Commission des Droits de l'Homme.

À partir de 1982, tandis que la question de Timor-Est reste à l'ordre du jour de l'Assemblée Générale, la discussion est reportée d'année en année et remplacée par des pourparlers " entre toutes les parties intéressées" sous l'égide du Secrétaire général. En pratique les "parties intéressées" sont le Portugal et l'Indonésie, à l'exclusion de représentants timorais...

- Un grand nombre d'autres instances internationales importantes se sont prononcées contre l'annexion: citons le Tribunal permanent des Peuples, le Parlement européen, le Conseil de l'Europe, l'assemblée paritaire ACP/CEE, l'Union interparlementaire, la Fédération Internationale des Journalistes, la Fédération internationale des Droits de l'Homme, mais aussi des organisations politiques (Internationale socialiste), syndicales (Fédération mondiale des syndicats de professeurs), des congrégations religieuses, des Assemblées nationales (Irlande), des partis politiques nationaux (en Australie)... (voir la page appropriée pour certaines de ces résolutions).

B) L'attitude réelle

Le fait que formellement le droit "est pour Timor-Est" ne doit pas faire illusion. Dans les faits, le soutien à l'annexion a été bien plus important que celui accordé au peuple Timorais. Ce dernier est allé décroissant de l'invasion à la fin des années 80 avant de prendre ensuite un nouvel essort.

1) Soutien à l'invasion. Les Etats Unis, l'Australie, le Japon, la plupart des pays occidentaux dont la France, la plupart des pays musulmans et certains pays non alignés (Inde, Yougoslavie) ont largement soutenu l'agression indonésienne, sous forme d'aide militaire (fournitures d'armes, experts), économique ou diplomatique. Pendant des années, il n'a même pas été question d'évoquer la situation des droits de l'homme à Timor-Est lors des rencontres bilatérales entre l'Indonésie et les Etats occidentaux. Le bloc de l'Est a privilégié ses intérêts économiques, et la Chine a cessé tout soutien.

2) Faiblesse des moyens de la diplomatie timoraise. Les seuls alliés fidèles des Timorais restaient les cinq anciennes colonies portugaises d'Afrique. Leur prestige auprès notamment des pays non alignés n'étant pas à négliger, il n'en reste pas moins que leur influence était limitée. La diplomatie des Timorais, peu soutenue, faible en hommes et financièrement fragile, ne pouvait faire le poids devant celle de l'Indonésie et ses appuis.

3) Faiblesse conséquente des Nations Unies. L'obstruction d'Etats membres influents et l'absence de contrepoids approprié expliquent l'attitude hésitante et attentiste les Nations Unies qui n'auront pris aucune mesure effective et dont les résolutions de l'Assemblée Générale, entre 1975 et 1982, sont progressivement vidées de leur substance. Les pourparlers entre le Portugal et l'Indonésie via les "bons offices" du Secrétaire général piétinent pendant presque dix ans: indécision portugaise, intransigeance indonésienne, manque de volonté politique de J. Perez de Cuellar... L'Indonésie s'arrangera pour faire échouer une visite de parlementaires portugais dans le territoire fin 1991. Cette annulation a pour conséquence directe le massacre du 12 novembre 1991 à Dili, qui marque un tournant.

C) Renversement de situation

1) Déjà le rapport van den Heuvel de 1986 sur la situation à Timor-Est avait débouché sur l'engagement du Parlement européen. Au cours de la même période, la pression monte aux Etats Unis: les lettres de Représentants et de Sénateurs au gouvernement se multiplient. Le Portugal commence à adopter une attitude diplomatique plus offensive.

2) A partir de 1989, l'"ouverture" du territoire autorise un flux nettement plus important d'information sur la situation à l'intérieur. Cette situation nouvelle culmine avec le massacre du 12 novembre 1991, fortement médiatisé. Les gouvernements occidentaux ne peuvent plus ignorer la gravité de la situation. A la suite du massacre et pour la première fois depuis l'invasion, l'Indonésie subit des pressions de leur part. Des réserves sur la situati on des droits de l'homme sont exprimées publiquement. Même si cette attitude nouvelle est limitée et adoptée à contrecoeur, elle produit un choc chez l'occupant. L'effet désastreux produit sur la diplomatie internationale par la capture de Xanana Gusmão et les circonstances de son procès, en 1992-1993, contribue encore plus à placer l'Indonésie sur la défensive.

3) Peut-être en partie grâce à cette situation nouvelle, le nouveau Secrétaire général de l'ONU, P. Boutros-Ghali, adopte en 1992 une attitude plus volontariste que son prédécesseur. Son émissaire, Amos Wako, se rend à Timor-Est deux années consécutives. Les pourparlers entre le Portugal et l'Indonésie, interrompus après le massacre, sont relancés; mais cette fois Boutros Ghali consulte activement les représentants Timorais et s'inspire de leurs propositions. En septembre 1993, l'Indonésie accepte notamment les termes de la résolution de 1982 de l'Assemblée Générale, qu'elle rejetait jusqu'alors. À l'automne 1994, le ministre des affaires étrangères indonésien, Ali Alatas, rencontre à New York des représentants de la résistance timoraise. Deux rencontres de "dialogue tout-inclusif intra-timorais" entre Timorais de la résistance en exil et de l'intérieur ont lieu sous l'égide de l'ONU.

4) L'attitude des administrations Clinton, bien que non dépourvue d'hésitations, est nettement différente de celle de ses prédécesseurs. Elle soutient les résolutions de la Commission des Droits de l'Homme de 1993 et 1997, cède à des pressions pour interdire certaines ventes d'armes. Le 10 juin 1997, la Chambre des représentants adopte à l'unanimité un amendement condamnant les violations des droits de l'homme à Timor-Est.

5) Le prix Nobel de la paix décerné en 1996 à José Ramos-Horta et à Mgr Belo donne une légitimité officielle à la lutte du peuple timorais pour son droit à l'autodétermination. Le nouveau Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, reprend les pourparlers Portugal-Indonéesie, les rencontres intra-timoraises et va plus loin que Boutros Ghali en nommant un représentant spécial pour Timor-Est, Jamsheed Marker.

Le récent engagement actif du président d'Afrique du Sud, Nelson Mandela, dans la recherche d'une solution négociée, avec l'acceptance tacite du président Suharto, donne à la cause timoraise une encore plus grande visibilité internationale et signale une possible inflexion d'une position indonésienne jusqu'alors totalement intransigente.

Les évolutions sur le plan du droit et de la diplomatie internationale n'ont eu pour l'heure qu'une incidence limitée sur les questions concrètes: commerce, ventes d'armes, vie des Timorais au quotidien. Dès le début de l'occupation, le peuple timorais y a cependant reconnu une articulation essentielle de sa lutte pour l'indépendance.