On le chuchotait en 1995: Jacques Chirac avait "soufflé" son prix Nobel de la paix à Mgr Belo. En relançant de manière tonitruante la polémique sur les essais nucléaires, il aurait incité le Comité Nobel à élire le mouvement Pugwash, évinçant l'Administrateur apostolique de Dili alors favori.
En 1996 donc, la surprise pour les initiés n'aura pas été la nomination de l'évêque, mais bien celle de José Ramos-Horta, représentant du front uni de la résistance timoraise. Le religieux et le politique: deux personnalités très différentes aux démarches complémentaires. Signe fort après plus de vingt ans d'une occupation indonésienne extrême dans sa brutalité, le prix Nobel de la paix aura eu un relief tout particulier l'année du centième anniversaire de la mort de son fondateur.
Alors que l'évêque a accueilli la nouvelle de sa nomination avec sérénité, le diplomate n'a pu cacher sa surprise. Les deux personnalités ont déclaré que le prix allait en réalité au peuple de Timor-Est tout entier. Horta a ajouté qu'il regrettait que ce prix lui ait été attribué plutôt qu'à Xanana Gusmão, le leader de la résistance timoraise, actuellement emprisonné à Jakarta.
Cette consécration internationale de la lutte pour le droit du peuple timorais à l'autodétermination n'a pas été du goût de tout le monde. De l'Indonésie, d'abord, qui s'est lancée dans une violente campagne de diffamation contre Horta, sans oser toutefois s'attaquer initialement à Mgr Belo. Des Etats Unis, ensuite, qui ont félicité les deux lauréats du bout des lèvres, tout en confirmant le principe d'une vente de jets F16 à l'Indonésie(1) et en s'indignant qu'on compare Suharto à Saddam Hussein. La France, pour sa part, "espère" en octobre 1996 "que leur double nomination au prix Nobel contribuera à renforcer les actions en vue d'un réglement pacifique de ce différend".