Le supplice du plan

Didier Nordon.
Bernard Pascuito éditeur, 102 p., 12, 95 €.
ISBN 978-2-35085-072-6

Les scientifiques n’ont pas tous le sens de l’humour (loin s’en faut). Didier Nordon, lui, en est bien pourvu, mais par contre il manque totalement du sens de l’orientation. Et c’est avec humour qu’il décrit sa maladie, ce handicap transmis semble-t-il par sa mère (mais est-ce héréditaire ?) encore mal connu: la maladie n’a pas de nom, l’auteur propose généreusement d’appeler «nordon» les êtres humains qui en sont atteints. Car le phénomène est établi scientifiquement: il y a ceux qui l’ont, et ceux qui ne l’ont pas.

On pourrait d’ailleurs s’étonner que le sens de l’orientation, comme les Mousquetaires, ne soit pas intégré aux cinq sens de la perception.En tout cas tous font l’objet de recherches scientifiques variées.

Ici il s’agit plutôt d’une expérience vécue, parfois source d’angoisses, car Nordon doit compter sur sa femme pour retrouver son chemin, même après avoir étudié longuement les cartes d’une ville qu’il visite, ou même de celle qu’il habite, comme celles de ses promenades touristiques.

Ecrit avec une grande sobriété, bien que Didier exerce comme enseignant de mathématiques à Bordeaux, ce petit livre examine sans instruments sophistiqués mais avec beaucoup de bon sens (!) caché derrière des jeux de langue, celui de l’orientation. Nordon cherche à démontrer que c’est un vrai sens, qu’il compare à la capacité d’une «vue d’ensemble», un sens de l’orientation dans les systèmes conceptuels, dont il dit parfois manquer, ce qui a pu l’éloigner de la recherche mathématique comme du jeu des échecs qui exigent cette «vue globalisante».

Ces observations modestes sur un phénomène de perception mal connu rappellent les méthodes de travail préconisées par certains chercheurs, qui privilégient une recherche légère sans grands moyens lourds. C’est le cas justement de Jacques Ninio, dont le livre «L’empreinte des sens: perception, mémoire, langage» (Poche, mai 1991) abordait aussi le problème du sens de l’orientation, mais chez les crabes.

Chez l ‘homme, la connaissance du focntionnement de l’orientation est très peu développée. Si on a pu établir que chez les oiseaux, et chez d’autres animaux, le sens de l’orientation tient partiellement à la sensibilité au champ magnétique terrestre, pour l’homme les avis des scientifiques divergent. Didier Nordon se rassure en nous amusant: «Je n’ai aucune réponse, mais cela m’est égal».

Amusez-vous bien !