Arithmétique

Marc Hindry

Quatrième de couverture :
Présente dès la plus haute antiquité, l’arithmétique ou théorie des nombres est encore en plein essor de nos jours. Marc Hindry nous en offre un panorama exceptionnel, qui montre la vitalité et la vigueur de cette discipline. Son livre brasse les innombrables notions de nombre. Il est à la fois un cours de base très complet et un guide vers plusieurs thèmes de recherche actuels. Les congruences, les sommes de Gauss et les équations diophantiennes y occupent, bien sûr, une place de choix, aux côtés des problèmes de primalité, de factorisation et de codes, si utiles en cryptographie. La fonction zêta de Riemann apparaît à propos de questions de répartition des nombres premiers. Les courbes elliptiques font l’objet d’un chapitre substantiel, qui culmine avec le théorème de Mordell-Weil et conduit aux mathématiques de Wiles et à celles de Birch et Swinnerton-Dyer. Le bouquet final reprend quelques-uns des thèmes abordés en les poussant jusqu’au niveau des recherches actuelles (la conjecture « a,b,c », transcendance, p-adicité et principe de Hasse. . .). Les méthodes sont algébriques et analytiques, et ce mélange des genres participe de l’image de marque éminente de l’auteur au sein de la communauté mathématique.
Le livre couvre la matière d’un cours de deux semestres, et s’adresse en priorité aux étudiants de M1. Il intéressera également les agrégatifs, les professeurs des classes préparatoires scientifiques, comme tous les passionnés de la théorie des nombres, désignée par C. F. Gauss comme la reine des mathématiques.

Arithméticien de renommée internationale, Marc Hindry est professeur à l’Université Denis-Diderot (Paris 7) et membre de l’équipe de « Théorie des nombres » de l’Institut de Mathématiques de Jussieu. Il est l’auteur (avec J. Silverman) de Diophantine Geometry (GTM - Springer, 2000).

Extraits de la préface :

L’arithmétique est certainement la plus vieille activité mathématique. L’usage du concept de nombre entier, de système de numération et des opérations d’addition, multiplication et division se retrouve dans toutes les civilisations. L’invention du zéro semble venir d’Inde. Les traces d’opérations arithmétiques ont été identifiées sur des os datant du paléolithique, sur des tablettes d’argile mésopotamiennes, sur des écailles de tortues chinoises, sur des papyrus égyptiens ; les incas, qui ne disposaient pas — semble-t-il — d’écriture, possédaient un système de numération évolué, à base de noeuds, de cordes appelés quipus.
De nos jours, la théorie des nombres est une branche des mathématiques qui puise sa vitalité dans sa riche histoire. Citons Pythagore, Euclide, Diophante, Fermat, Euler, Lagrange, Legendre, Gauss, Abel, Jacobi, Dirichlet, Galois, Riemann, Hilbert, en nous arrêtant au XIX-ème siècle. Elle se nourrit traditionnellement aussi d’interactions avec d’autres domaines, comme l’algèbre, la géométrie algébrique, la topologie, la théorie de la variable complexe, l’analyse harmonique. Plus récemment, elle a fait une apparition spectaculaire en informatique théorique et dans des questions de communication, de cryptographie et de codes correcteurs d’erreurs. ......

Ce livre propose un cours de base en arithmétique, suivi d’une initiation à quelques thèmes de recherche contemporaine. Il est écrit au niveau maîtrise (M1) ; on y trouve cités cependant des résultats plus avancés, mais imposant de ne pas construire d’édifice trop lourd. L’ouvrage est divisé de ce fait en deux parties au ton graduellement différent :

la première partie (chapitres I à IV) correspond à un cours de maîtrise (M1), enseigné à l’Université Denis-Diderot, Paris 7 et à l’Ecole normale supérieure, rue d’Ulm, dont le contenu est en grande partie utilisable pour le Capes ou l’agrégation. Il va sans dire que tous les énoncés sont entièrement démontrés, à l’exception parfois de quelques résultats figurant en fin de chapitre ;
la deuxième partie (chapitres V, VI et appendices) est de niveau plus élévé, et peut servir soit de source pour un mémoire de maîtrise (ou TIPE), soit d’introduction à des thèmes de recherches en DEA (M2). Elle comprend une introduction aux courbes elliptiques et un chapitre « Développements et problèmes ouverts » reprenant et tissant divers thèmes orientés vers des travaux mathématiques contemporains. De nombreux énoncés sur les courbes elliptiques, provenant souvent de cours donnés à l’Université Paris 7 ou au magistère de la rue d’Ulm, sont encore démontrés, mais le panorama proposé au chapitre VI comporte plus d’énoncés sans démonstration ou même conjecturaux que de preuves.

Dans cet état d’esprit, les quatre premiers chapitres sont complétés par une liste copieuse d’exercices de difficulté assez variable ; certains sont des applications directes du cours, d’autres, sans être nécessairement plus difficiles, introduisent un aspect nouveau non développé dans le cours.
.........................

Les prérequis pour lire ce texte sont très modestes, au moins en ce qui concerne les quatre premiers chapitres : l’algèbre de base de licence est supposée acquise (algèbre linéaire, groupes abéliens, anneaux et divisibilité), ainsi qu’un peu de topologie de R^n pour le chapitre III. Outre sur l’analyse élémentaire, le chapitre IV est fondé sur la théorie de la variable complexe (fonctions holomorphes, séries entières, formule de Cauchy, formule des résidus, logarithme complexe), dont un résumé est donné sous forme de rappels. Les quatre premiers paragraphes sur les courbes elliptiques (chapitre V) sont encore assez élémentaires, même si le rythme y est plus dense, et n’utilisent que les propriétés simples du plan projectif, détaillées au début de l’appendice B. Le dernier paragraphe du chapitre V et l’ensemble du chapitre VI sont moins accommodants et font appel ou allusion à diverses notions plus avancées.

.......................

Description des chapitres :
Le 1-er chapitre « Structures finies » étudie systématiquement les groupes et anneaux de congruence Z/NZ et les corps finis F_q, ainsi que leurs groupes d’éléments inversibles (Z/NZ)* et (F_q)*. On y constate l’ubiquité des sommes de Gauss, étudiées pour elles-mêmes puis utilisées pour démontrer la loi de réciprocité quadratique et pour compter le nombre de solutions d’équations diagonales sur un corps fini.

Le 2-nd chapitre « Applications : algorithmes, primalité et factorisation, codes » commence par l’étude de la complexité des opérations de base de l’arithmétique (addition, multiplication, calcul de pgcd, inversion modulo N, exponentiation, calculs dans les corps finis). On introduit ensuite brièvement le système rsa — la vedette des procédés de cryptographie à clefs publiques — régissant cartes bancaires, transactions sur Internet, etc. Cela motive le coeur du chapitre : l’étude des algorithmes pour déterminer si un nombre est premier ou composé. Les mathématiques requises sont celles du chapitre i, avec un énoncé élémentaire de théorie analytique des nombres (qui est démontré dans le premier paragraphe du chapitre iv). L’introduction aux codes correcteurs d’erreurs — utilisés dans la technologie du disque compact ou dans la transmission de données — décrit une autre application industrielle de l’arithmétique et sert de motivation pour l’étude de la décomposition des polynômes cyclotomiques sur un corps fini.

Le 3-ème chapitre « Algèbre et équations diophantiennes » entreprend l’étude de problèmes classiques comme la représentation d’entiers comme somme de (deux, trois ou quatre) carrés, les solutions entières de l’équation de Pell-Fermat x^2-dy^2=1, les solutions entières de l’équation de Fermat x^n+y^n=z^n (traitée pour n=3,4). On y développe ensuite la théorie des nombres algébriques : corps de nombres, anneaux d’entiers algébriques, décomposition d’idéaux en produit d’idéaux premiers, groupe des unités, finitude du groupe des classes d’idéaux. Hormis l’algèbre commutative, les outils sont un peu de géométrie des nombres (réseaux, théorème de Minkowski) et d’approximation diophantienne (théorème de Dirichlet, fractions continuées).

Le 4-ème chapitre « Théorie analytique des nombres » est consacré à l’étude de la répartition des nombres premiers ; les deux théorèmes centraux sont le théorème des nombres premiers « la quantité de nombres premiers inférieurs à x est asymptotiquement équivalente à x/\log x » et le théorème de la progression arithmétique « il existe une infinité de nombres premiers congrus à m modulo n, dès que m et n sont premiers entre eux ». Hormis des énoncés élémentaires (comparaison de séries et intégrales, etc.), l’outil fondamental est la théorie de la variable complexe ; un bref résumé de ce qui en est utile ici est inclus. Ce chapitre introduit aussi à un objet fondamental des mathématiques « la fonction zêta de Riemann » et se clôt par une présentation de l’hypothèse de Riemann, probablement le problème ouvert le plus important des mathématiques.

Le 5-ème chapitre « Courbes elliptiques » est une initiation à la riche théorie des équations du type y^2=x^3+ax+b. On y propose un peu de géométrie projective et on y examine la loi de groupe sur une cubique, la théorie des hauteurs et notamment la hauteur de Néron-Tate, avant de démontrer le théorème de Mordell-Weil « le groupe des solutions rationnelles de l’équation est un groupe abélien de type fini ». On établit dans la suite (modulo un résultat démontré au chapitre vi) le théorème de Siegel « l’ensemble des solutions avec x,y entier est fini ». On termine en faisant le lien avec la théorie des fonctions elliptiques et en formulant d’une part l’extraordinaire théorème de Wiles (1995) « toute courbe elliptique définie sur Q est modulaire » et d’autre part la célèbre conjecture de Birch & Swinnerton-Dyer, qui relie le rang du groupe des solutions rationnelles au comportement en s=1 de la série de Dirichlet associée à la courbe elliptique.

Le 6-ème chapitre « Développements et problèmes ouverts » reprend quelques-uns des thèmes abordés, en les poussant jusqu’au niveau des recherches actuelles ; en particulier, chaque paragraphe contient au moins un problème non résolu. Bien entendu, de nombreux énoncés ont dû être donnés sans preuve et les prérequis pour lire cette partie sont plus importants, même si nous nous sommes efforcé de donner toutes les définitions et quelques idées essentielles. Les six thèmes choisis sont :

Les conjectures de Weil, ou le calcul, déjà entamé au chapitre i, du nombre de points d’une variété algébrique sur un corps fini. On obtient à la fois une description précise de la fonction zêta d’une variété sur un corps fini et un premier parfum des liens entre arithmétique, géométrie et topologie ;

le dictionnaire conjectural, proposé par Serge Lang, liant les propriétés qualitatives de l’ensemble des points d’une variété algébrique rationnels sur un corps de nombres aux propriétés géométriques de la variété ou encore aux propriétés de la variété analytique complexe associée. Ce dictionnaire est un théorème pour les courbes algébriques, établissant une trichotomie entre courbes de genre 0 (coniques et droite projective), courbes de genre 1 (courbes elliptiques) et courbes de genre ≥2 (les autres !), mais très peu de choses sont connues pour les variétés de dimension au moins deux ;
une introduction aux nombres p-adiques, dans l’optique d’étudier le domaine de validité du « principe de Hasse », qui, sous sa forme la plus élémentaire, demande si une équation f(x_1,...,x_n)=0 possède une solution entière dès qu’elle possède une solution modulo N, pour tout N entier ; un outil clef, dans ce contexte, est le « lemme de Hensel », que l’on peut voir comme un analogue de la méthode de Newton pour la résolution d’équations en nombres réels. On esquisse également les débuts de la théorie des adèles et idèles : les groupes additifs et multiplicatifs globaux construits à partir des corps locaux Q_p et R ;
une présentation des résultats fondamentaux de Roth (1955) sur l’approximation rationnelle des nombres algébriques et de Baker (1966) sur la transcendance de combinaisons linéaires de logarithmes de nombres algébriques. On détaille ensuite la démonstration du théorème de Thue (version antérieure et plus faible du théorème de Roth) et la méthode d’application aux équations diophantiennes du théorème de Baker. Cela donne l’occasion d’examiner avec soin les méthodes dites de « transcendance » et d’introduire les lecteurs aux problèmes d’effectivité ;
la conjecture « a,b,c », qui est un énoncé totalement élémentaire et dont la démonstration aurait des conséquences remarquables, est brièvement présentée. Ses connections avec la théorie des courbes elliptiques le sont également. Cela permet d’élaborer sur les éventuels liens avec le grand théorème de Wiles ;
une introduction aux fonctions zêta associées aux variétés algébriques (la fonction associée à une courbe elliptique est décrite en détail au chapitre v) et le lien avec la théorie des représentations de groupes est esquissé, avec notamment l’apparition des formes modulaires et des représentations galoisiennes. La fin de ce paragraphe effleure le dessus d’un grand iceberg recouvrant la théorie des motifs de Grothendieck et le programme de Langlands.

L’appendice A, intitulé « Factorisation », poursuit la thématique abordée au chapitre ii, en s’appuyant cependant sur les chapitres iii (corps de nombres) et v (courbes elliptiques) pour décrire deux algorithmes récents de factorisation d’un entier N : l’algorithme de Lenstra (1986) utilisant les courbes elliptiques et l’algorithme de Pollard, Lenstra et al (1993), appelé crible algébrique ou « number field sieve ». On y discute également et brièvement du problème de la factorisation de polynômes à coefficients dans un corps fini ou dans Z.

L’appendice B sur la « Géométrie projective élémentaire » est une introduction à la géométrie algébrique projective. Des énoncés élémentaires sur les droites, coniques et cubiques y sont démontrés, et sont utilisés au chapitre V pour construire la loi de groupe sur une cubique plane projective. On y détaille aussi le théorème des zéros de Hilbert et y démontre le théorème de Bézout : deux courbes planes projectives de degré d_1,d_2, sans composante commune, s’intersectent en exactement d_1d_2 points (comptés avec les multiplicités appropriées).

L’appendice C, intitulé « Théorie de Galois », cherche à combler une lacune voulue. Nous avons évité en effet tout recours à la théorie de Galois dans ce texte (sauf au dernier paragraphe du chapitre vi), celle-ci étant soit absente du cursus universitaire classique, soit enseignée au dernier semestre du m1. Elle constitue toutefois un outil si important dans la théorie des nombres moderne qu’il nous a semblé nécessaire de l’inclure en complément, ne fût-ce que brièvement. On y explique notamment comment le théorème de Chebotarev lie ensemble théorie analytique des nombres et groupes de Galois, en généralisant le théorème de la progression arithmétique. Cet appendice, notamment la description du concept de représentation galoisienne, est un prérequis à la lecture du dernier paragraphe du chapitre vi.

........................

La bibliographie comporte deux parties ; la première donne, avec quelques commentaires, neuf références de livres qui peuvent être utilisés parallèlement par l’étudiant, la deuxième, plus copieuse, donne des références aux articles originaux et à des ouvrages historiques ou plus avancés. On trouvera dans [dickson] un aperçu assez complet de l’histoire de la théorie des nombres jusqu’au début du xx-ième siècle ; la référence [guy] contient de nombreux problèmes ouverts plus ou moins élémentaires.

Table des matières

I Structures finies
1 Rappels sur Z/nZ, (Z/nZ)^*, F_q, F_q^*.
2 Structure des groupes (Z/nZ)^* et F_q^*
3 Symboles de Legendre et Jacobi
4 Sommes de Gauss
5 Applications au nombre de solutions d’équations
6 Exercices

II Applications : Algorithmes, primalité et factorisation, codes
1 Algorithmes de base
2 Cryptographie, RSA
3 Test de Primalité (I)
4 Test de Primalité (II)
5 Factorisation
6 Codes correcteurs
6.1 Généralités sur les codes correcteurs
6.2 Codes linéaires cycliques
7 Exercices

III Algèbre et équations diophantiennes
1 Sommes de carrés
2 Équation de Fermat (n=3 et 4)
3 Équation de Pell-Fermat x^2-dy^2=1
4 Anneaux d’entiers algébriques
5 Géométrie des nombres
6 Exercices

IV Théorie analytique des nombres
1 Énoncés et estimations élémentaires
2 Fonctions holomorphes (résumé/rappels)
3 Séries de Dirichlet, fonction \zeta (s)
4 Caractères et théorème de Dirichlet
5 Le théorème des nombres premiers
6 Exercices

V Courbes elliptiques
1 Loi de groupe sur une cubique
2 Hauteurs
2.1 Hauteurs de Weil
2.2 Hauteurs de Néron-Tate
3 Le théorème de Mordell-Weil
4 Le théorème de Siegel
5 Courbes elliptiques sur les complexes
6 Courbes elliptiques sur un corps fini
7 Fonction L d’une courbe elliptique

VI Développements et problèmes ouverts
1 Nombre de solutions des équations sur les corps finis
2 Équations diophantiennes et géométrie algébrique
3 Nombres p-adiques
4 Nombres transcendants et approximation diophantienne
5 La conjecture a,b,c
6 Quelques séries de Dirichlet remarquables

A Factorisation
1 Factorisation de polynômes
2 Factorisation et courbes elliptiques
3 Factorisation et corps de nombres

B Géométrie projective élémentaire
1 L’espace projectif
2 Intersection

C Théorie de Galois
1 Théorie de Galois et corps de nombres
2 Extensions abéliennes
3 Représentations galoisiennes

Bibliographie
Notations
Index