Frédéric Hélein

Après la consultation nationale sur le projet de loi pour une République numérique



Cette page fait le bilan de la consultation le projet de loi sur le numérique a débuté qui a eu lieu du 26 septembre 2015 au 18 octobre 2015.
Elle fait suite à la première page d'information.

Rappel des événements

La consultation a eu lieu du 16 septembre au 18 octobre 2015.

L'article 9 intitulé Libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique a suscité un grand nombre de réactions de la part du monde de la recherche : des chercheurs, mais également des institutions de recherche (CNRS, Inria, Universités, etc.) estimant que le texte proposé était largement insuffisant pour permettre une diffusion large et rapide des résultats de la recherche. Elle a également suscité des réactions d'inquiétude de la part de petits éditeurs français en Sciences humaines.

Une réunion ("Gouv' Camp") conviant les principaux contributeurs à la consultation a été organisée par Mme Axelle Lemaire, Secrétaire d'état chargée du numérique, le vendredi 16 octobre 2015. Un Compte-rendu de ce Gouv' Camp a été rédigé.
En collaboration avec Benoît Pier, j'ai rédigé pour la DIST-CNRS une synthèse de la consultation et des conclusions qui pouvaient en être tirées, qui fut mise en ligne la semaine suivant la clôture de la consultation.

Le gouvernement a mis un certain temps à trancher sur cet article, lequel a suscité un débat entre le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, sensible aux arguments des chercheurs, et le Ministère de la Culture, sensible aux arguments des éditeurs en Sciences humaines.

La réponse du Gouvernement

Après arbitrage, un dossier de presse a été diffusé sur le site du gouvernement et une nouvelle version du texte a été transmise au Conseil d'Etat le 6 novembre 2015. Dans cette version l'article 9 est devenu l'article 14. Cette nouvelle version contient des progrès importants par rapport à la version initiale, notamment :

- la durée maximale d'embargo a été réduite de moitié, id est, elle est passée de 12 à 6 mois pour les Sciences exactes et de 24 à 12 mois pour les Sciences humaines.
- Le passage sur la notion d'exploitation commercial a été clarifié.
- Il n'y a toujours pas, malheureusement, de mention explicite du plein droit à disposer des données cédées aux éditeurs pour publier pour en effectuer des fouilles de textes et de données, mais en revanche, léger progrès, une phrase a été ajoutée :

L'éditeur d'un écrit scientifique mentionné au I ne peut limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.

Cependant la question reste en suspens et, comme l'écrit Axelle Lemaire dans son dossier de presse,

"Parmi les demandes exprimées auxquelles il n'a pas été donné suite à ce stade, il faut citer la création d'une exception au droit d'auteur pour l'analyse de textes et de données à des fins de recherche ("text and data mining", TDM), qui est nettement soutenue par la communauté scientifique. Le droit européen ne permet pas actuellement de créer de nouvelles exceptions, et le Gouvernement souhaite que cette question soit abordée dans le cadre des travaux européens en cours."

Cette réponse est à moitié satisfaisante : après tout, la Grande-Bretagne n'a pas attendu que les travaux européens soient complets pour se doter d'une telle disposition. De plus, on peut craindre que les travaux européens prennent beaucoup de temps et repoussent à une date lointaine l'adoption d'une législation sur le TDM.

Dans une interview accordée au journal 20 minutes le 15 décembre, Axelle Lemaire précise (à partir de la 10ème minute) que le projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée et que le texte sera examiné à l'Assemblée Nationale à partir du 19 janvier 2016.

Le conseil d'Etat a rendu un avis plutôt négatif sur l'article 9 (paragraphe 33, page 5), dans lequel l'influence de certains lobbys des éditeurs est facilement décelable (notamment le fait que le Conseil d'Etat réclame des "études d'impact"). Un argument (sur la diffusion mondiale sur Internet) est vide de sens et montre que les rédacteurs de cet avis ne comprennent pas grand chose à l'édition scientifique. Heureusement cet avis est purement consultatif, espérons qu'il ne sera pas suivi d'effet !
En tout cas, Axelle Lemaire, dans l'interview, mentionne à partir de la 16ème minute que les avis du Conseil d'Etat ont été relativement peu suivis (et elle ajoute très justement à la 17ème minute: "faire une étude d'impact sur quelque chose qui n'existe pas, c'est pas évident, quand même !").

La version adoptée en Conseil des Ministres

Le mercredi 9 décembre, une dernière version du projet de loi a été adoptée par le Conseil des Ministres, avant d'être transmises aux parlementaires. L'article 14 y est devenu l'article 17, exposé pages 27 et 28. Des commentaires sur cet article sont pages 6 et 7. Ce texte est accompagné d'une étude d'impact disponible sur le site de l'Assemblée Nationale.

Pour plus d'informations, voir également la page d'accueil du site de la consultation qui suit l'actualité.


Quelques explications

Retrouver les explications et des documents sur les enjeux de ce projet de loi que j'avais données durant la consultation.

D'autres documents pour comprendre le contexte

Un article très clair paru dans rue89.

La LERU (League of European Research Universities) dénonce la gravité de la situation : Christmas is over. Research funding should go to research, not to publishers! et invite à signer une pétition (version française).

Dans le but d'expliquer le contexte et, en particulier, l'Open Access, j'ai écrit un court article, qui est paru en novembre 2015 dans Matapli. (Voir aussi un billet paru le 12 octobre dans Mediapart).
Nouveau : Une version plus longue et plus détaillée de mon article dans Matapli, qui paraîtra prochainement dans la Gazette des Mathématiciens.

SciELO (le site Open Access brésilien) suit attentivement la consultation en France.

Marie Farge vous explique la situation en 13 minutes ou en 30 minutes.

Un article de Roberto di Cosmo de 2006, toujours d'actualité.

Le Boycott d'Elsevier lancé par Tim Gowers.


Frédéric Hélein