Généralisations : d’autres fonctions L

Forme générale

Les mathématiciens n’ont pas été longs à essayer de généraliser cette situation. Si l’on garde ce qui marche, on aboutit aux principes suivants

  • on veut une série de Dirichlet, de nature arithmétique, c’est à dire obtenue à partir d’un objet arithmétique

    \[L(s)=\sum_n \frac{a(n)}{n^s}\]
  • qui se factorise sur les nombres premiers

    \[L(s)=\prod_p L_p(p^{-s})^{-1}\]

    avec des facteurs eulériens donnés par des polynômes

    \[L_p(T) = 1+c_1(T)+C_2(T)+\dots C_d(T)\]
  • qui se prolonge à \(\C\), avec une symétrie de type \(s \leftrightarrow k-s\).

    Pour cela, il existe un facteur gamma de la forme

    \[\gamma(s) = N^{\frac s2} \prod_{i=1}^d \Gamma_\R(s+A_i)\]

    de sorte que la fonction complétée \(\Lambda(s) = L(s)\gamma(s)\) vérifie

    \[\Lambda(s) = \epsilon \overline{\Lambda}(k-s)\]
  • On dit que \(N\) est le conducteur de la fonction L, \(k\) son poids, \(d\) son degré et \(\epsilon\) son signe.

Constructions

On verra qu’il n’est pas facile de fabriquer une fonction L. Pour en donner une idée, faisons un tour historique rapide des premiers “objets arithmétiques” à partir desquels on a su fabriquer une fonction L :

  • un caractère (Dirichlet, 1837)

    \[L(\chi,s) = \sum_n \frac{\chi(n)}{n^{s}}\]
  • un corps de nombres (Dedekind, 1863)

    \[\zeta_K(s) = \sum_\ga \Norm(\ga)^{-s}\]
  • un grossencharakter (Hecke, 1918)

    \[L(\chi,s) = \prod_\gp (1-\chi(\gp)\Norm(\gp)^{-s})^{-1}\]
  • une forme modulaire (Hecke, ~1925)

    \[L(f,s) = \sum_n a(n) n^{-s}\]
  • une représentation galoisienne (Artin, ~1930)

    \[L(\rho,s) = \prod_\gp \det(1-\rho(\Frob_\gp|V^{I(\gp)})\Norm(\gp)^{-s})^{-1}\]
  • une courbe elliptique (Hasse, Weil, ~1940)

    La définition en terme de fonction zeta de la courbe, obtenue en comptant les points sur les corps finis

    \[Z(E,s) = \prod_p \exp(\sum_m\frac{\card{E(\F_{p^m})}{m}p^{-ms})\]

    fournit

    \[L(E,s) = \frac{\zeta(s)\zeta(1-s)}{Z(E,s)}\]

    On a un produit eulérien

    \[L(E,s) = \prod_p (1-a_pp^{-s}+\chi_N(p)p^{1-2s})^{-1}\]
  • une représentation galoisienne, une forme automorphe, un motif : c’est la terminologie actuelle.

En Pari/GP

Toutes les fonctions commençant par lfun concernent les fonctions L.

gp > ?lfun
lfun                lfunetaquo          lfunqf
lfunabelianrelinit  lfungenus2          lfunrootres
lfunan              lfunhardy           lfunsympow
lfunartin           lfuninit            lfuntheta
lfuncheckfeq        lfunlambda          lfunthetacost
lfunconductor       lfunmf              lfunthetainit
lfuncost            lfunmfspec          lfuntwist
lfuncreate          lfunmul             lfunzeros
lfundiv             lfunorderzero

Une part de ces fonctions servent à fabriquer des fonctions L à partir d’autres objets mathématiques.

Avertissement

Les principes de base pour les fonctions L en Pari/GP:

  • il y a trois types d’objets sur lesquels on peut appliquer la plupart des fonctions lfun :

    1. un objet mathématique Lmath définissant de manière automatique et canonique une fonction L.

    Par exemple:

    • 1 pour la fonction zeta

    • un résidu modulaire Mod(2,5) pour une fonction L de Dirichlet

    • un polynôme \(q(x)\) pour une fonction zeta de Dedekind

    • une courbe elliptique

    1. une définition explicite de fonction L Ldef, obtenue à partir des précédents ou par d’autres

    constructions plus élaborées

    1. une fonction L munie de précalculs Linit, nettement plus efficace

    si on a besoin d’utiliser souvent la même fonction.

  • lfuncreate permet de passer de 1. à 2., et fabrique une fonction L à partir d’un objet aritmétique

  • lfuninit(L,S) passe de 2. à 3. en effectuant les précalculs

  • lfun(L,s) calcule \(L(s)\), où L est d’un des trois types.

Exemples

Lzeta = lfuncreate(1)

fabrique donc la fonction zeta. On retrouve ses invariants

[A,k,N] = Lzeta[3..5]

Si on part d’une courbe elliptique, la forme obtenue est différente

[A,k,N] = lfuncreate(ellinit("37a1"))

Le conducteur est celui de la courbe, le poids est 2, et le facteur gamma est double.

Une autre fonction très utile : lfuncheckfeq. Elle se contente de faire un test numérique de l’équation fonctionnelle. S’il y a la moindre erreur dans la définition de la fonction L, ça ne marchera pas du tout.

Un monde de conjectures

  • si on arrive à construire une telle fonction, on observe :

    • des fonctions qui ont l’air analytiques, sauf si zeta est en facteur

    • la magie des zéros, parfaitement alignés. L’hypothèse de Riemann étendue consiste d’ailleurs à conjecturer que c’est toujours vrai.

    • des valeurs critiques remarquables, qui quand on les comprend encodent des invariants de l’objet de départ. On verra deux exemples emblématiques : la formule du nombre de classes d’un corps de nombres, et la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer.

  • ce jeu est très compliqué, on ne fabrique pas une fonction L par hasard. On reviendra sur ce point avec l’exemple des formes modulaires.

  • au contraire, il y a tellement peu de fonctions L que plusieurs constructions totalement différentes peuvent donner la même fonction L.

    La philosophie des fonctions L consiste à dire que dans ce cas, les « constructions totalement différentes » sont un leurre, et que la fonction L manifeste au contraire l’existence d’un lien profond entre les deux mondes.

    Par exemple, le fait qu’une fonction L de courbe elliptique coïncide avec celle d’une forme modulaire, est désormais un corollaire du théorème de modularité.

    Plus généralement, on peut considérer qu’une fonction L établit un pont entre trois points de vue, et trois types d’objets

    • les motifs, qui généralisent les courbes

    • les représentations galoisiennes, qui généralisent les caractères

    • les formes automorphes, qui généralisent les formes modulaires