Fonctions L de Dirichlet

On met simplement des coefficients \(a(n)\) dans la série

\[L(s) = \sum \frac{a(n)}{n^s}\]

mais pour avoir encore un produit eulérien, il faut que les \(a(n)\) soient multiplicatifs.

On veut donc une fonction multiplicative \(\N\to\C\).

En général, ça ne marche pas : par exemple la fonction de Moebius \(\mu(n)\) donne bien une série de Dirichlet, il y a bien un produit eulérien, et même une équation fonctionnelle.

Mais la fonction obtenue est \(1/\zeta(s)\) qui a des pôles au lieu d’avoir des zéros sur la bande critique.

dir_zeta = vector(30,k,1)
dir_moebius = vector(30,k,moebius(k))
dirmul(dir_zeta, dir_moebius)

En revanche, les caractères de Dirichlet, qui sont toutes les fonctions multiplicatives + périodiques, fonctionnent.

Caractères de Dirichlet

Si \(a\) est périodique de période \(n\), elle est définie sur \(\Z/n\Z\). Si elle est de plus multiplicative, c’est sur \((\Z/n\Z)^\times\) qu’elle est définie.

De manière plus compacte, les caractères de module \(n\) sont les morphismes

\[\chi : (\Z/n\Z)^\times \to \C\]

que l’on étend à \(\Z\) en posant \(\chi(k)=0\) pour \(k\) non premier à \(n\).

Fonction L de Dirichlet

La fonction L obtenue est la fonction

\[L(s,\chi) = \sum_n \frac{\chi(n)}{n^s}\]

qui admet (c’était fait pour) le produit eulérien

\[L(s,\chi) = \prod_p (1-\chi(p)p^{-s})^{-1}\]

Caractères primitifs

Il y a un problème pour l’équation fonctionnelle, qu’on peut voir très facilement : si \(\chi\) est un caractère modulo \(n\), et que \(m\) est un multiple de \(n\), alors \(\chi\) fournit (on dit induit) un caractère \(\tilde\chi\) modulo \(m\).

Ce nouveau caractère est tout le temps égal à chi, sauf en tous les entiers qui seraient premiers à \(n\) mais pas à \(m\), où il est nul.

En d’autres termes, en notant \(P\) l’ensemble des premiers qui divisent \(m\) mais pas \(n\), on a

\[L(s,\tilde \chi) = L(s,\chi)\prod_{p\in P}(1-\chi(p)p^{-s})\]

(pour passer de \(\chi(p)\) à \(\tilde\chi(p)=0\), il suffit de simplifier les termes).

Mais il n’y a aucune chance que les deux fonctions L aient une équation fonctionnelle, sinon le produit à droite en aurait une. Ce qui n’est pas le cas.

Bref, pour obtenir l’équation fonctionnelle, on a besoin que le caractère soit primitif, c’est-à-dire que son module \(n\) soit le plus petit possible, au sens où on ne peut pas l’écrire comme un caractère de module plus petit.

Groupe des caractères, notation de Conrey

Supposons pour simplifier \(n=\prod p_i^{e_i}\) impair. On suppose fixé un générateur \(g_i\) de \((\Z/p_i^{e_i}\Z)^\times\), de sorte qu’on a un isomorphisme

\[(\Z/n\Z)^\times = \prod_i(\Z/p_i^{e_i}\Z)^\times = \bigoplus \Z/m_i\Z\]

On note \(\chi_i:g_i\mapsto e^{\frac{2i\pi}{m_i}}\), les puissance de \(\chi_i\)

\[\chi_i^{e_i} : g_i^{f_i} \mapsto e^{\frac{2i\pi e_if_i}{m_i}}\]

sont les caractères du facteur \(i\), et les caractères du groupe sont les produits

\[\chi_1^{e_1}\dots \chi_r^{e_r}, \text{ où } e_i\in\Z/m_i\Z\]

On peut écrire les choses de manière très symétrique de la manière suivante

\[\begin{array}{ccc} (\Z/n\Z)^\times\times(\Z/n\Z)^\times & & \C^\times \\ (a,b) & \rightarrow & \chi_n(a,b) \\ \downarrow & & \uparrow \\ (e_i),(f_i) & \rightarrow & \sum \frac{e_if_i}{m_i} \\ \bigoplus(\Z/m_i\Z)\times\bigoplus(\Z/m_i\Z) & & \Q/\Z \end{array}\]

Ainsi, à tout élément \(a\) modulo \(n\) correspond un caractère \(\chi_n(a,\cdot)\) modulo \(n\), et cette application est un isomorphisme.

En particulier, l’ordre du caractère \(\chi_n(a,\cdot)\) est l’ordre de \(a\).

Par ailleurs, les caractères modulo \(p^{e-1}\) donnent les caractères non primitifs modulo \(p^e\), qui sont ceux d’ordre divisant \(\phi(p^{e-1})\). Les caractères primitifs sont donc ceux d’exposants \(e_i\) premiers à \(p\).

Il existe un choix de générateurs \(g_i\) qui, sans être canonique, possède de bonnes propriétés, et qui repose sur le lemme suivant :

Lemme

Soit \(p\) un premier impair. Alors tout générateur de \((\Z/p^2\Z)^\times\) est aussi un générateur de \((\Z/p^e\Z)^\times\) pour tout \(e\geq 1\).

Démonstration

Soit \(\alpha\) générateur modulo \(p^2\) (qui existe car il existe un générateur de \(\F_p\) et un élément d’ordre \(p\)), alors \(\alpha^{p-1}\bmod p^2\) est d’ordre \(p\), donc de la forme \(1+ap\) avec \(a\neq 0\).

On vérifie ensuite par récurrence que

\[(1+ap)^{p^k} = 1+ap^{k+1}\bmod p^{k+2}\]

On pose alors

Définition

Soit \(p\) un premier impair, on appelle générateur de Conrey modulo \(p\) le plus petit entier \(g_p\) qui soit générateur de \((\Z/p^2\Z)^\times\).

Pour \(p=2\), on considère les générateurs \(-1\) et éventuellement \(5\) si \(e\geq 3\).

Ceci fournit un isomorphisme non canonique, mais parfaitement explicite selon la construction ci-dessus.

Exemples

[g,chi] = znchar(Mod(2,3))

construit en gp le groupe abélien g des caractères modulo \(3\), et chi comme l’élément de coordonnées [1] dans ce groupe.

charorder(g,chi)

attention : les valeurs du caractère sont par défaut écrites dans \(\Q/\Z\). Il faut prendre \(e(x) = e^{2i\pi x}\) pour obtenir une valeur complexe.

[ chareval(g,c,k) | k <- [1..20] ]

Il est facile de caractériser les caractères primitifs, et encore plus de les compter : il y en a \(\phi(p^n)-\phi(p^{n-1}\) modulo \(p^n\).

remarque: Pari/GP construit automatiquement la fonction L correspondant au caractère primitif sous-jacent.

L_3 = lfuncreate(Mod(2,3))

Si on prend un caractère trivial, on obtient la fonction zeta.

lfuncreate(Mod(1,13))

Equation fonctionnelle

On dit que \(\chi\) est impair si \(\chi(-1)=-1\), et pair sinon. On note \(e\in\set{0,1}\) la parité de \(\chi\), telle que \(\chi(-1)=(-1)^e\)

Théorème

Soit \(\chi\) un caractère primitif de module \(N\), de parité \(e\).

Alors en posant \(\Lambda(\chi,s) = \Gamma_\R(s+e)L(\chi,s)\), on a

\[\Lambda(\chi,s) = \epsilon(\chi)\Lambda(\overline\chi,1-s)\]

et \(\epsilon(\chi)\) est un produit de sommes de Gauss.

Le théorème de la progression arithmétique

On remarque que les fonctions L de Dirichlet non triviales ne s’annulent jamais en \(s=1\)

N = 13
L1 = [ lfun(Mod(a,N),1) | a <- [2..N-1], gcd(a,N) == 1 ]

La démonstration de cette remarque est la partie dure de la démonstration du théorème suivant

Dirichlet

Pour tout entier \(a\) premier à \(m\), il y a une infinité de nombres premiers \(p\equiv a\bmod m\).