Introduction

Motivation MIC

Ce cours a une ambition pragmatique : donner les outils algébriques permettant de comprendre et manipuler les objets de la cryptographie actuelle.

L’accent sera mis sur les méthodes effectives, directement transposables en algorithmes.

Calculer dans un corps fini, en choisir un modèle adapté, calculer un morphisme et l’utiliser pour transférer un problème d’une structure dans une autre, montrer que des éléments sont irréductibles ou les décomposer.

On peut mentionner à titre d’exemple les avancées spectaculaires qui ont été faites ces dernières années sur le calcul du logarithme discret dans les corps finis de petite caractéristique.

Motivation mathématique

Arithmétique, introduction des opérations ajouter/soustraire, multiplier/diviser. Opérations sur un corps, usuellement le corps \(\Q\).

Équations

  • linéaires, en plusieurs variables

  • polynomiales, en une variable

  • polynomiales en plusieurs variables : géométrie (ex cbes elliptiques)

Selon chaque direction:

  • équations linéaires : algèbre linéaire, déterminant, noyau…

    on comprend bien ce qui se passe

    on reste dans le corps de définition

  • équations polynomiales, besoin de sortir du corps

    \(x^2=2\) n’a pas de solution rationnelle.

    • on rajoute l’opération racine carrée qui permet de résoudre toutes les équations de degré 2 en complétant le carré, dès que le discriminant possède une racine carrée.

      on invente au passage les racines cubiques, p-ièmes, n-ièmes de nombres positifs.

    • à la renaissance, saut conceptuel : on arrête de penser que \(x^2+1\) ne peut évidemment pas avoir de solution, et on introduit \(i\). Qui est juste le \(x\) tel que \(x^2=-1\).

      On se rend compte que l’on sait résoudre toutes les équations de degré \(2\) dans \(\C\).

    • résolution du degré 3 par Cardan via l’opération racine cubique

      • on se ramène à la forme \(x^3+px+q\)

      • on fait le changement de variable miraculeux \(x=z-\frac{p}{3z}\) qui ramène à \(z^3+q-\frac{p^3}{27z^3}\) qui est de degré 2 en \(z^3\neq0\)

      • on a donc \(z^3=-\frac q2 \pm\sqrt{\frac{q^2}4+\frac{p^3}{27}}\)

      • on remarque que les deux racines satisfont \(zz'=-\frac{p}3\), de sorte que \(x=z+z'\)

      • on obtient la formule de Cardan \(x=\sqrt[3]{-\frac q2+\sqrt{\frac{q^2}4+\frac{p^3}{27}}} +\sqrt[3]{-\frac q2-\sqrt{\frac{q^2}4+\frac{p^3}{27}}}\)

      on reste dans les nombres complexes

      pb choix cohérent des racines cubiques, il vaut mieux choisir \(z\) et prendre \(x=x-\frac{p}{3z}\).

    • résolution du degré 4, via la racine cubique et la racine carrée

      on reste dans les nombres complexes

    • en degré 5, beaucoup d’essais et après les travaux de Lagrange une certitude : en général, aucune des méthodes employées pour les degrés 2, 3 et 4 ne fonctionnera (au lieu de se ramener à des degrés inférieurs, on se retrouve au mieux avec une équation du degré 6).

    • l’analyse progresse, on découvre les racines n-ièmes de l’unité

Trois questions demeurent :

  • où sont les solutions ? sont-ce toujours des nombres complexes ?

  • combien de solutions pour une équation de degré n ?

  • est-ce que l’extraction de racine \(n\)-ièmes est la famille d’opérations manquantes pour résoudre toutes les équations polynomiales ?

Pour les deux premières questions :

Théorème (Euler, d'Alembert, Lagrange, Gauss)

Une équation de degré n a toujours n racines dans \(\C\).

Pour la seconde :

Théorème (Galois)

La réponse est non. Mieux : il existe un critère ne dépendant que de la forme de l’équation qui permet de dire si on peut exprimer ses racines de cette manière, et une procédure explicite pour le faire.

Exemple

  • l’équation \(x^5-6x+3\) n’a pas de solution exprimable par radicaux.

  • en revanche \(x^6+x^5+x^4+x^3+x^2+x+1\) l’est.

L’outil : des ponts établis entre

  • les polynômes et leurs racines

  • les extensions de corps

  • la théorie des groupes

On peut calculer le groupe de symétries des solutions sans connaître les solutions, et si on arrive à construire simplement ce groupe par certaines opérations élémentaires, on peut de même exprimer simplement les solutions de manière élémentaire.

Mais cette théorie a résolu bien plus que le problème des résolutions par radicaux : attaquer un problème par le biais des symétries qui le préservent et étudier l’action de ses symétries sur les solutions est une approche très efficace. Elle permet en particulier de distinguer, ou plus généralement de classifier des éléments en fonction de leurs orbites sous divers sous-groupes de symétries.

Plan du cours:

Depuis un siècle l’usage (extrêmement fécond) est de construire l’algèbre de manière pyramidale en partant des structures générales : groupes, anneaux, corps…

Historiquement, ce sont les corps qui apparaissent naturellement, et l’émergence de la notion de groupe est due à Galois, Gauss, au début du 19e. C’est tout particulièrement la théorie de Galois qui motive l’étude abstraite des groupes (groupes distingués, quotients, groupes simples). L’étude systématique des anneaux est un produit du 20e siècle.

Dans ce cours, on suivra plutôt l’histoire en commençant par établir la théorie de Galois du côté des corps, avant d’évoquer succintement les problèmes de groupes qu’elle suscite.

Deux autres notions sont au programme : les modules sur un anneau principal, et éventuellement quelques bases d’arithmétique sur les corps de nombres.

Choix de présentation

On essaie à chaque fois d’adopter une approche explicite et constructive.

Pour cette raison, on développe la théorie de Galois par le point de vue des prolongements de morphismes, et on démontre le lemme d’Artin via le théorème de l’élément primitif.

Bibliographie

  • Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres

  • Michael Artin, Algebra

  • Emil Artin, Galois Theory

  • David Cox, Galois Theory